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Tous les faits et anecdotes suivants ont été transmis à Morio Higaonna par son professeur An’ichi Miyagi et de nombreux anciens élèves de Chojun Miyagi, qui furent témoins oculaires ou reçurent ces informations de Chojun Miyagi lui-même. Ce dernier ayant hérité de ce savoir par son professeur Kanryo Higaonna. De nombreux autres témoins, proches parents, amis, personnalités, ont aussi permis un historique plus complet et fiable.

RYU RYU KO
 (CHINE – dates non connues).

Ryu Ryu Ko fut le premier maillon de la chaîne aboutissant à l’actuel Goju Ryu d’Okinawa. Il apprit l’art du combat d’un temple de Shaolin dans les montagnes de la province de Fujian (Chine). Nous n’avons malheureusement aucune date précise concernant sa naissance et son décès. Par contre nous savons qu’il fut très renommé dans la ville de Fuzhou (Fujian). À cette époque, il possédait un petit magasin où il fabriquait et vendait différents articles à base de canne et de rotin. Il était connu comme ayant des saisies d’une très grande force. Excellant dans l’art du combat à mains nues, il l’enseigna à Kanryo Higaonna, ainsi que les armes et la médecine à base de plantes. Il est à noter que d’après Chojun Miyagi qui le reçut de Kanryo Higaonna, il y eut à la même époque que Ryu Ryu Ko, un autre enseignant bien connu, pratiquant le même style. Ce dernier, Wan Shin Za, plus petit que Ryu Ryu Ko, avait une position sanchin plus large et plus longue. Kanryo Higaonna a dit à Chojun Miyagi « mon professeur est Ryu Ryu Ko ». Cette information fut transmise à An’ichi Miyagi qui la passa à Morio Higaonna

KANRYO HIGAONNA

Né le 10 mars 1853 à Nishimura ,quartier de Naha, l’actuelle capitale d’Okinawa, il a été reconnu par tous les pratiquants de karaté comme le maître de Naha-Té * de son époque. Son père (Kanyo), possédait trois petits bateaux et commerçait avec les ports éloignés de Naha, ainsi qu’avec les îles proches. De temps en temps, il travaillait aussi sur de plus gros bateaux qui faisaient la liaison avec la Chine. À ses retours, il racontait d’extraordinaires récits sur les merveilles de la Chine, sa culture, incluant de mythiques histoires d’arts martiaux de ce pays. Ce fut sûrement une des raisons du périple de Kanryo Higaonna en Chine.
Il faut savoir qu’en 1867 son père fut tué au cours d’une rixe. L’hypothèse de construction d’une vengeance n’est pas à écarter, car cette année là il se rendit en Chine dans la ville de Fuzhou. Il avait 14 ans. Durant 14 années il partagera la vie de son professeur Ryu Ryu Ko. Ce dernier lui léguera tout son savoir relatif aux arts martiaux. À son retour à Okinawa, il prendra le même métier que son père. On pense que, suite à la perte de deux bateaux due à des typhons, il commencera à enseigner son art martial. Sa réputation d’expert l’avait précédé et nombreuses furent les demandes d’enseignement. On ne sait pas exactement quand il commença à divulguer son savoir. Par contre, en septembre 1905, quatre années après l’introduction du karaté dans les écoles, il enseigna à l’école supérieure de commerce de Naha. Au cours de sa vie, plusieurs fois la police lui demandera de prendre part à des arrestations de dangereux criminels. Pour ces occasions, sa technique favorite était mae geri, l’adversaire tombait en arrière et la police pouvait ainsi le maîtriser. C’est peut-être pour cela qu’on l’appelait aussi « Higaonna les jambes ». Il décéda en octobre 1915.

* Naha-Té = art de combat du village de Naha, à Okinawa.

CHOJUN MIYAGI

Chojun Miyagi est né le 25 avril 1888 dans le quartier de Higashi-machi à Naha. Chojun, deuxième fils de Chosho Miyagi, perdit son aîné à l’âge de 5 ans et devint ainsi le successeur familial. Très tôt, on pensa pour lui à l’étude du karaté afin qu’il se forge un physique et un mental forts. Sa première rencontre avec un pratiquant sérieux fut avec Ryuko Aragaki (1875 – 1961) qui avait appris le Tomari-Té. Il avait 11 ans. Pour la petite histoire, Ryuko Aragaki était renommé pour avoir battu le réputé Choki Motobu. Shuichi Aragaki, petit-fils de Ryuko, ancien élève de Chojun Miyagi, est actuellement conseiller technique de l’IOGKF et enseigne dans le dojo de Morio Higaonna à Naha. C’est à 14 ans que Chojun fut recommandé au fameux maître de Naha-Té, Kanryo Higaonna, par Ryuko Aragaki. Jeune, Chojun était surnommé « mauvais enfant ». Dès qu’il commença l’entraînement avec Kanryo Higaonna, son caractère changea. Il devint calme et sociable. Lorsqu’il entra à Kenritsu Daï Ichi Chugakko qui est maintenant l’école supérieure de Shuri, sa passion pour le karaté augmenta régulièrement. Souvent, il se rendait à l’école en courant et en revenait de la même façon. Il développa ainsi de bonnes jambes et une meilleure condition physique générale. De même, après l’école il se rendait sur la plage afin de se muscler en soulevant des pierres. Les premières pesaient environ 60 kg. Son système était le suivant : il commençait à en basculer une d’un côté et de l’autre jusqu’à l’acquisition de la force suffisante pour pouvoir la soulever. Lorsqu’il réussissait, il passait à une pierre plus lourde. De nombreux autres exercices avec des poids naturels furent son quotidien. Il fut rapidement ce que l’on peut appeler un athlète. Pour Kanryo Higaonna, Chojun était son meilleur élève. Ainsi, lorsque les cours collectifs se terminaient, le jeune Miyagi restait et continuait à s’entraîner. Le maître de Naha-Té lui transmit alors l’intégralité de son art. En 1910, il fut incorporé dans l’armée pour deux années. Au cours de cette période il découvrit vraiment le judo. Il avait auparavant étudié le sumo okinawaien, différent du japonais. C’est également pendant ce séjour qu’il fut transféré au corps médical avec le grade de caporal. Ses études en relation avec le physique commencèrent. Lorsque son maître mourut, Chojun Miyagi avait reçu de ce dernier la totalité de son savoir en matière de karaté, ce qu’il ne fît pour personne d’autre, ainsi que le droit (et le devoir ?) de lui succéder. Des anciens élèves de Kanryo HIGAONNA senseï en témoigneront. Cette succession sera peut-être pour Miyagi, l’occasion de faire des recherches plus poussées dans plusieurs directions. D’abord historiques et techniques car il retournera plusieurs fois en Chine à Fuzhou. Entre 1917 et 1921, il créera le kata Tensho, forme modifiée du kata chinois Rokkishu appris lors de récents voyages. À la même époque, il développa l’échauffement avec des bases scientifiques et se rapportant à la technique du karaté. Sa renommée fut telle qu’on lui demanda de donner des cours à l’académie de police de Naha. Il accepta en 1922. Le Naha-Té transmis par Kanryo Higaonna et modifié par Chojun Miyagi , fut nommé par ce dernier GOJU RYU (  » école dure et souple  » ) en1930. Il s’inspira du célèbre Bubishi, traité de combat chinois qui disait  » la voie de l’inspiration et de l’expiration est dure et souple « . Cela collait bien avec les différences de puissance, vitesse, rythmes respiratoires et idée générale des techniques à employer selon l’adversaire. En 1940 il crée les deux Kata Gekisaï Daï Ichi et Gekisaï Daï Ni. Son meilleur élève fut Jinan Shinzato qui malheureusement fut tué au cours de la 2ème guerre mondiale. Après cette guerre qui l’avait durement éprouvé, il perdit son meilleur élève, deux de ses filles, plusieurs autres élèves ainsi que des amis. Il enseigna dans son jardin. Ce fut le temps de dures épreuves et privations à Okinawa. Beaucoup d’élèves ne purent tenir l’entraînement. Si avant la guerre sa priorité avait été la recherche, le développement et la promotion du karaté, après la guerre et jusqu’à sa mort, il ne fît qu’enseigner et organisa le Goju Ryu comme un système. C’est ainsi que la tradition du Goju Ryu d’Okinawa fut transmise dans son intégralité, ce qu’il n’avait jamais donné à aucun de ses élèves même à Jinan Shinzato. C’est le jeune An’ichi Miyagi (aucun lien de parenté) qui hérita de ce fabuleux savoir. Chojun Miyagi mourut aux premières heures du 8 octobre 1953. Il ne fut pas seulement un génie mais beaucoup plus que cela. Il dévoua sa vie à son art martial le faisant reconnaître et admettre par tous.

AN’ICHI MIYAGI

An’ichi Miyagi naquit à Naha le 9 février 1931. Il perdit ses parents durant la guerre à l’âge de 14 ans et devint ainsi chef de famille, avec à sa charge deux jeunes frères. Il commença l’étude du karaté en février 1948 dans la maison de Chojun Miyagi. Le maître des lieux s’aperçut très vite que le jeune An’ichi était passionné. Dès le début il lui donna certaines corvées à faire, comme à d’autres élèves d’ailleurs. Plus tard il lui en donna d’autres et spécialement pour lui. Senseï An’Ichi Miyagi affirme maintenant que tout cela était sûrement un champ d’observation pour Chojun Miyagi. Ainsi il pouvait analyser en partie le caractère de l’élève. Très tôt aussi il invitera An’ichi à poursuivre plus loin son entraînement.Le cours fini, les élèves partaient et An’ichi restait et reprenait l’entraînement. À chaque fois Miyagi senseï lui parlait de son expérience, lui donnait des conseils particuliers, faisait passer ses connaissances. De nombreuses anecdotes concernant Chojun Miyagi nous ont été transmises par An’ichi Miyagi senseï. Avant la guerre, Chojun Miyagi enseignait deux voire trois kata exceptionnellement. Il suivait en cela l’enseignement de son professeur Kanryo Higaonna. Jinan Shinzato qui étudiera presque 20 ans avec le fondateur du Goju Ryu, avait appris de lui les kata Sanchin, Tensho et Sesan. Pour Kina senseï ce fut Sanchin et Seiyunchin, Yagi senseï Sanchin et Suparinpe, Tomoyose senseï Sanchin et Sepaï, Furugen senseï Sanchin et Kururunfa. Pour connaître les autres kata, ils devaient se les échanger entre eux. Ainsi Eiichi Miyazato senseï a appris à Toguchi senseï, Gekisaï Daï Ichi. Après la guerre, sûrement à cause des nombreuses disparitions de ses proches et parce qu’il avait côtoyé la mort de près, il décida de donner l’intégralité de son karaté à la génération montante. Ce fut An’ichi Miyagi qui bénéficia de cette volonté. Réalisant qu’il avait passé l’héritage du Goju Ryu à An’ichi, Chojun Miyagi lui dit : « je n’ai pas enseigné de tels détails à Jinan Shinzato. Vous devez vous entraîner durement et prendre conscience de la valeur du trésor que je vous ai donné. ». Chojun Miyagi ne se contenta pas de lui enseigner la technique. Il lui appris aussi comment se soigner avec des herbes médicinales, lui enseigna le japonais car à l’époque la plupart des Okinawaiens parlaient le dialecte propre aux insulaires. Il lui parla du Zen, de profonds sujets de philosophie, de l’effet du temps sur les points vitaux, de la meilleure manière de s’alimenter, des complexités de la société à Okinawa, de l’histoire, de l’économie. Chaque jour différent était accompagné d’un nouveau conseil, il se comportait comme un père face à son fils. À ce propos, Ken Miyagi le quatrième fils du fondateur, a dit à Morio Higaonna senseï : « An’ichi a toujours pris soin de mon père, préparant du thé, à manger, le lavant et beaucoup d’autres choses. Il fut sûrement plus un fils pour mon père que moi je ne l’ai été. »

An’ichi Miyagi senseï nous a quitté le mardi 28 avril 2009. 
Il était le président d’honneur de la Fédération Internationale de Karaté-do Goju Ryu d’Okinawa (
IOGKF) et le conseiller technique de Morio Higaonna senseï.

 

MORIO HIGAONNA

 

 

Né le 25 décembre 1938 à Naha, Okinawa, il commença l’étude du karaté à 14 ans sous les ordres de son père qui pratiquait le Shorin Ryu. À 15 ans, il continua le Shorin Ryu au club de son école et avec un ami, Tsunetaka Shimabukuro. À 16 ans, il commencera le style qu’il ne quittera plus, le Goju Ryu avec An’ichi Miyagi comme instructeur, dans le jardin de Chojun Miyagi. Régulièrement, il s’entraînait l’après-midi au collège pendant deux heures et dans le jardin de Chojun Miyagi deux autres heures en soirée. C’est à cette époque que naquit sa passion pour le karaté. En 1960 eurent lieu les premiers passages de D.A.N de karaté à Okinawa. À ce passage présidé par Shoshin Nagamine senseï, les instructeurs chefs de file d’écoles reçurent le Godan, 25 pratiquants (dont Morio Higaonna) Sandan, 23 Nidan et 40 Shodan.
À ce passage présidé par Shoshin Nagamine senseï, les instructeurs chefs de file d’écoles reçurent le Godan, 25 pratiquants (dont Morio Higaonna) Sandan, 23 Nidan et 40 Shodan.
Suite à son entrée à l’université Takushoku à Tokyo où il enseigna quelques temps le karaté, sa renommée devint importante au dojo Yoyogi. Au championnat du monde de 1972 à Paris, il y fut invité à démontrer son art. Sa réputation prenait de l’ampleur. Grâce à celle-ci, de nombreux étrangers vinrent s’entraîner avec lui à Tokyo.
Don Draegger a dit de lui « c’est le karatéka le plus dangereux en combat réel ». On peut voir la corne épaisse sur le dos de ses mains ainsi que sur ses kento proéminents. Il s’entraîne tous les jours et c’est peut-être à cause de tout cela qu’il est surnommé « le guerrier ».
En 1979 en Angleterre, fut fondée la Fédération Internationale de Karaté-do Goju Ryu d’Okinawa (IOGKF). À l’heure actuelle, quelques 49 pays y sont adhérents. Higaonna senseï, 10ème dan, s’entraîne toujours et continue ses recherches. Tous ceux qui l’ont côtoyé ont été impressionnés par sa puissance, ses connaissances, mais aussi son humilité ainsi que sa simplicité. Nous pouvons affirmer que c’est un vrai maître. Tous les membres de l’IOGKF sont fiers d’avoir un tel personnage à leur tête.

*  Shorin Ryu : art de combat issu du Shuri-Té et du tomari-té

 

BERNARD COUSIN

 

Né le 7 juin 1947, il découvre le karaté en 1966. Véritable coup de foudre, il sera avec deux amis à l’origine du karaté dans la ville de Troyes (Aube). À l’époque, Monsieur Battaglia, professeur de judo, leur avait prêté une salle pour s’entraîner. Les trois compères allaient tous les samedis à Paris dans un vrai club, afin d’apprendre et avoir matière à travailler la semaine. Un an après et pour des raisons professionnelles, Bernard Cousin vint à Paris où il pût s’entraîner à loisir. Shodan Shotokan * en 1970, c’est en 1974 qu’il découvre le Goju Ryu d’Okinawa. En 1976 il séjourne un mois à Okinawa. Pendant ce séjour il rencontrera le déjà célèbre Morio Higaonna. En 1979, la Fédération Internationale de Karaté-do Goju Ryu d’Okinawa (IOGKF) est crée en Angleterre.

Il rejoint cette fédération en 1980 pour ne plus la quitter. Au fil des stages Higaonna senseï s’apercevra du travail réalisé, et, pour ses qualités physiques, techniques et humaines, le nommera responsable national en 1984. En 1994, au cours d’un regroupement mondial réservé aux responsables nationaux, Morio Higaonna senseï demandera à quelques pratiquants un examen non prévu.

À la fin de ce stage, Bernard Cousin reçut des mains du maître le titre de « Shihan ». C’est un très grand honneur quand on sait que Shihan veut à peu près signifier : « celui que l’on doit imiter ». En 2002, dans le dojo d’Higaonna senseï à Naha, Okinawa, il passera avec succès le 7e examen devant un jury prestigieux composé surtout d’An’Ichi Miyagi senseï, 10ème dan et élève direct du fondateur Chojun MIYAGI et de Morio Higaonna senseï, 9éme dan à l’époque.

Hommage à notre Sensei : Vidéo 1 / Vidéo 2

Il décède le 3 Mai 2012, foudroyé par la maladie. Fondateur de l’ AFKGO et pionnier du karate Goju ryu d’ Okinawa en France, il aura consacré toute sa vie à défendre et promouvoir les valeurs du karate traditionnel. Il aura désigné deux de ses élèves pour le succéder à la direction technique de l’ AFKGO,  Senseï Jean-Louis Albert, également chargé de représenter notre groupe au sein de l’IOGKF, et Senseï Dimitri Boscherel.

*  Shotokan : art de combat issu du Shorin Ryu .